Plus de 200 chercheurs des universités québécoises et de tous les grands secteurs scientifiques se sont réunis récemment en colloque à Montréal pour évaluer l'état de la recherche universitaire au Québec et discuter des liens de plus en plus étroits qu'elle entretient avec les sources privées de financement. Pour dégager certains des principaux enjeux débattus lors de cet événement organisé par la Fédération des professeures et professeurs d'université (FQPPU) sur le thème La recherche universitaire et les partenariats 1, nous avons rencontré deux professeurs de l'UQAM qui ont participé activement aux discussions et à l'organisation du colloque: Mme Simone Landry2 (département des communications) et M. Georges Leroux (département de philosophie).
Le développement des partenariats
Selon Georges Leroux, «l'appel à des partenaires privés ou publics pour financer la recherche universitaire constitue une des nouvelles conditions de la recherche scientifique». Il peut s'agir aussi bien d'une compagnie pharmaceutique qui s'associe à un laboratoire biomédical, que du ministère du Tourisme qui collabore avec une chaire de recherche. «Il faut se demander, souligne M. Leroux, dans quelle mesure ces partenariats représentent une forme d'action acceptable, quelles contraintes ils impliquent et jusqu'à quel point ils peuvent menacer l'autonomie de la recherche en général?» Par ailleurs, comme certains intervenants l'ont soulevé, il serait plus difficile de trouver des partenaires dans certains secteurs que dans d'autres. Ce serait le cas des sciences sociales et humaines qui n'ont pas la réputation de contribuer beaucoup et directement à la productivité. De plus, toute la dimension critique qui appartient à leur tradition pourrait être mise en danger: ni les ministères ni les organismes publics ou privés ne veulent spontanément payer pour se faire critiquer.
Enfin, explique Simone Landry, compte tenu de l'importance qu'ont pris les partenariats dans le financement de la recherche, plusieurs chercheurs veulent se donner des balises claires afin d'assurer le respect de la mission spécifique de la recherche et du travail des universitaires et de protéger la probité et la propriété intellectuelles.
Financement public et privé
«Au cours des 15 ou 20 dernières années, rappelle M. Leroux, le nombre de chercheurs au Québec a considérablement augmenté. Mais, il y a de moins en moins de ressources disponibles». Si le financement de sources privées, que personne au colloque n'a remis en cause, s'est accru au fil des années, son apport, note M. Leroux, ne devrait pas toutefois servir d'alibi à la réduction des fonds publics qui demeurent la source essentielle du développement de la recherche. À son avis, «nous avons besoin de la sociologie des sciences qui, par ses analyses, pourrait nous aider à mieux comprendre l'évolution des modes de financement de la recherche, tant publics que privés».
Recherche fondamentale
et appliquée
Mme Landry constate que le développement des partenariats est souvent orienté vers la recherche appliquée, celle qui donne des résultats relativement rapides et concrets. Cependant, précise-t-elle, «cela risque d'avoir des effets néfastes sur la recherche fondamentale, les chercheurs travaillant davantage en fonction des besoins de l'industrie ou des gouvernements qu'à partir de leurs propres hypothèses. La recherche fondamentale, même si elle n'a pas de retombées immédiates, est essentielle au maintien de la fonction critique de l'université et passe par un financement public fort. Ce qui est en jeu, c'est la liberté académique et l'autonomie universitaire à l'égard du complexe économico-industriel». Enfin, s'interroge-t-elle, pourquoi ne pas valoriser aussi différents types de recherches comme les recherches non-subventionnées ou les recherches individuelles? «Le meilleur chercheur est-il toujours celui qui reçoit le plus de subventions ou celui qui travaille avec de nombreux partenaires?»
- Le colloque a aussi abordé les questions du financement public de la recherche, du lien recherche-enseignement et de l'autonomie du champ scientifique. À noter que plusieurs représentants des établissements universitaires, des organismes subventionnaires, du Conseil supérieur de l'éducation, du Conseil des sciences et de la technologie, ainsi que du ministère de l'Éducation, étaient présents à ces assises.
- Mme Landry est également présidente du comité de la FQPPU sur la liberté académique et l'autonomie universitaire.